Quoi, t’as pas fait Movember ?

Encore un mois de Novembre à entendre une bonne dizaine de fois “Quoi tu ne fais pas Movember ?”, “Ben tu te laisses pas poustache ?”, “Encore un qui est trop fier pour se taper la honte avec nous.”

Ce qui est assez drôle quand on demande aux gens pourquoi ils font Movember, c'est que la plupart ne savent même pas que le mouvement d'origine est de déclencher un élan de soutien envers la recherche contre les maladies masculines (on prend souvent le cancer de la prostate comme exemple). Au final pour ces gens là, quel est le but ? Suivre tous leurs potes/collègues qui le font ? Faire un concours de celui qui a la plus grosse, la plus touffue ou la plus moche ?

Pour certains Mo-bro (il fallait bien un nom cool pour parler des gens hyper cools qui suivent cette vague), la démarche est plus perverse puisque j'ai entendu cette année à plusieurs reprises des commentaires du genre :

Mec, j'ai remporté 450 euros moi, t'es loin de tout ça, toi.

... Et oui, il y a un classement officiel de ce que les gens rapportent... C'est à se demander si le but est de soutenir une cause ou l'ego de petites personnes.

Ce qui m'énerve sans doute le plus c'est l'hypocrisie qui se cache derrière tout ça :

En devenant Mo-bro ou en donnant pour Movember vous aidez un malade”.

Alors quoi ? Je donne une fois et ma conscience est tranquille pour le reste de l'année ? Si c'est le cas, votre conscience se satisfait de peu.

Vous voulez aider un malade ? Commencez par regarder autour de vous. Je suis sûr que vous en trouverez au moins un. Sida, cancer, sclérose, maladies chroniques... Nous vivons dans un monde où nous connaissons tous quelqu'un victime d'une maladie grave. C'est malheureux mais c'est ainsi. Vous pensez que ces malades se lèvent le matin en se disant : “Staline, Tom Selleck et Pablo Escobar ont soutenu la cause de la moustache... Wow ça va mieux, je vais vraiment passer une bonne journée” ?

Vous souhaitez aider ce proche ? La première étape est d’arrêtez de le mettre de côté, de prendre des décisions pour lui ou elle. Soyons honnêtes, on s'est tous déjà dit au moins une fois : “on ne va pas lui proposer cette sortie, ça sera trop fatiguant pour elle dans son état, ça lui fera mal au cœur de dire non”, “il dit toujours non quand on va au sport, ça me saoule, on ne lui en parle plus”, “avec ses allergies, on ne va pas l'inviter, il va juste nous regarder manger, c'est pas cool pour lui”. Nous n'avons aucun droit de décider ce qu'une personne peut ou ne peut pas faire. C'est à elle seule de prendre ces décisions. Quand on le fait à sa place, on se contente juste de lui enlever une liberté de plus. La liberté de choisir quelle sont les limites à ne pas franchir. Là où, parfois armé de bonnes intentions, vous tentez de protéger une personne, en réalité vous l'isolez encore plus. Moche, non ?... Mais bon pas de stress, tout va bien, on se laisse pousser la moustache une fois par an...

Vous voulez aider un proche malade ? Vraiment l'aider ? Appelez-le. Appelez-le et demandez lui comment il va.

“J’ai demandé de ses nouvelles à quelqu’un et on m’a dit qu’il allait bien”.

“Ouais mais si je l’appelle et qu’il me dit qu'il ne va pas bien, je ne sais pas quoi lui répondre”.

Bullshit ! C'est si terrible de l'écouter parler de son quotidien ? Pensez-vous réellement qu’il vaut mieux que personne ne demande et que cette personne ne puisse jamais en parler à qui que ce soit. On a le droit de demander à un malade s'il va bien, ce n'est pas une gaffe, il n'y a aucune honte à ça, et c'est tellement plus humain que d'ignorer sa souffrance. Appelez-le et écoutez ce qu'il vous dit, parlez de tout et de rien comme vous le faisiez avant.... Oui comme avant. Cette personne est malade, elle n'est pas morte. Des choses ont changé pour elle et son entourage mais rien ne devrait avoir changé pour vous. Malade, on peut encore se réjouir des même choses, bien souvent on les apprécies même encore plus. Malade, on peut encore sortir, rire et vivre alors aidez cette personne à ce que tout soit comme avant. C'est à chacun de définir ses propres limites, à chacun de déterminer ce qui a changé. Quand vous n'appelez pas, quand vous ne l'invitez plus, quand vous détournez le regard ou que vous vous réfugiez derrière votre peur de blesser, tout ce que vous faites, c'est condamner un peu plus. Et puisque vous êtes au téléphone avec cette personne, pourquoi ne pas en profiter pour demander aux grands oubliés comment ils vont : aux enfants, à la conjointe ou au conjoint de la personne malade. Ces personnes sont tout autant victimes, elles ont d'autres souffrances, doivent être fortes constamment sans broncher et subissent le même isolement. Peu de personnes s'inquiètent réellement de savoir comment une famille vit la maladie. Pour ça aussi, tout va bien parce qu'on se laisse pousser la moustache ?

Qu'on soit clair, je soutiens bien évidemment les personnes qui croient sincèrement en ces causes. Bien sûr qu'il faut continuer à donner pour la recherche mais je ne pense pas que tous les engagements ont la même valeur. Faire un don pour un pari ou pour se moquer d'un pote, certes c'est un peu d'argent mais ça ne fait absolument pas adhérer à une cause et surtout, pour certains, ça sert juste à se donner bonne conscience. Nous avons tous la possibilité d'améliorer la vie de personnes malades proches de nous, il suffit de leur laisser la porte ouverte et de leur accorder un peu d'attention. Ça ne dépend nullement d'un événement Facebook, d'un mois en particulier, de notre genre ou de notre culture, il s'agit juste d'une attitude à adopter.

Et maintenant que tout ça est dit arrêtez de me casser les couilles avec ma barbe chaque année. Sinon je me rase les bollocks et je vous mets les poils sous le nez comme ça vous pourrez faire Movember tous les mois.