Angular et moi c'est compliqué

— Dis-moi Angular, ça fait combien de temps qu’on se connait ? Oui, je sais… C’est idiot, comme question. Tu ne le sais sans doute pas. Comment pourrais-tu le savoir d’ailleurs ? J’ai craqué pour toi quasiment au premier regard quand toi, de ton côté, tu m’ignorais. Encore aujourd’hui je me dis parfois que tu m’ignores… C’est vrai au final après tout. M’as-tu, ne serait-ce qu’une fois, regardé ?

Tu es arrivée de nulle part en 2009. Tout le monde ne parlait que de toi, de ton regard neuf sur le métier, de ton côté visionnaire, des volutes de fraîcheur que tu dégageais. Malgré les pulsions qui m’étreignaient, ma curiosité débordante et mon goût du risque, j’ai attendu un bon moment avant de me renseigner sur toi. Il faut bien avouer que mon cœur d’artichaut ne m’encourageait pas particulièrement à m’éprendre à nouveau d’un framework JS. C’était une époque de librairies brillantes et éphémères et j’étais persuadé de ne pas supporter de m’attacher à nouveau à une comète. C’est finalement en 2013 que je t’ai laissé entrer dans ma vie et il n’aura pas fallu longtemps avant que tu ne l’envahisses complètement. J’ai commencé par te tourner autour discrètement, me renseignant à droite à gauche auprès de personnes qui s’intéressaient déjà à toi. Plus j’en apprenais à ton sujet et plus ta vision me plaisait. Le hic! c’est qu’il était déjà trop tard. Nombreux étaient ceux à avoir déjà succombé à tes charmes et moi, là dedans, je n’étais rien… un mouton de plus à suivre le moindre de tes faits et gestes, oubliant toutes mes croyances, mes anciens rites pour ne me consacrer qu’aux tiens.

L’eau a coulé sous les ponts et de nouveaux acteurs ont débarqués avec leurs gros sabots et des moyens importants. Sans doute attirée par le charme de la jeunesse, la meute qui te suivait s’est lentement dispersée pour chercher une herbe plus verte ailleurs. Tout ça semblait tellement attirant… Pourtant j’ai tenu bon. Je suis resté à tes côtés. Oh! Certes, je n’étais pas le seul. Nous étions encore nombreux à te rester fidèles, à crier à l’effet de mode, à renier tes concurrentes, à te défendre betes et ongles, à te défendre envers et contre tout, envers et contre tous… aveugles que nous étions.

Un jour, peut-être par crainte d’être oubliée, tu as hurlé au monde entier que tu allais changer, que tu allais balayer ton passé, faire table rase de tout ce que tu avais vécu pour renaître de tes cendres. Tu souhaitais apprendre une nouvelle langue, être plus rigoureuse, mettre de l’ordre dans ta vie, changer de nom pour prendre celui d’Angular 2.0. Beaucoup ont pris peur mais pas moi. Moi, j’ai vu une opportunité formidable : celle de ne pas arriver en retard cette fois, de ne pas être bloqué dans la friendzone ad vitam eternam, d’accepter tes qualités et tes défauts et d’embrasser le chemin que tu traçais pour toi... pour nous. J’ai bu chacune de tes paroles, accepté tes vérités comme étant miennes, j’ai commencé à tracer des plans sur la comète pour toi, ta copine Material Design et moi. J’étais prêt à tout. Même quand tu t’es rapproché de Microsoft pour changer de langue, je n’ai rien dit. La seconde fois où tu as dit que tu allais tout changé, ma motivation n’a pas cillé. La troisième, la quatrième, toujours là… toujours fidèle. C’est au bout de ton cinquième puis sixième changement consécutif en 6 mois que j’ai commencé à avoir des doutes. Je les ai d’abord balayé d’un revers, pensant que le problème venait de moi, mais en parlant à mes congénères, force est de constater que tu as un problème Angular. Bi-polarité, lunatisme, appelles-ça comme tu veux, je m’en moque, mais reconnais-le. Tu as beau crier sur tous les toits que tu es stable depuis un mois, je ne peux plus te croire, tu es branlante depuis bien trop longtemps. Je t’ai donné mon temps, mon cœur et toi tu les as jetés, tu les as piétinés. Tu t’es bien foutu de ma gueule. Aujourd’hui tu voudrais qu’on fasse comme si de rien n’était ? Non, c’est hors de question ! J’ai déjà pris mes distances avec toi pour me protéger un minimum de ce que tu devenais et puis tiens, puisqu’on en est à se blesser l’un l’autre, je peux bien te l’avouer maintenant : ça fait déjà quelques mois que je fricote avec React. Non c’est pas un accident, mais tu voulais que je fasse quoi en même temps? Je t’ai toujours soutenu. J’essayais de te suivre dans chacun de tes virages malgré tout ce que ça impliquait pour moi, et toi ? Toi, sûre de ta popularité, tu t’en fichais complètement. Tu m’as méprisé ! Tu fais chier Angular ! T’as tout gâché.

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Écoute. L’histoire avec React c’est pas sérieux. Je l’ai à peine effleuré. Je vais pas te mentir, j’ai eu envie d’aller plus loin, mais je ne veux pas renoncer à toi. Je me sens coupable d’avoir eu cet écart. J’ai du monde qui frappe à ma porte : Elm, Programmation Fonctionnelle, mais je ne peux pas leur ouvrir. Je me remémore sans cesse des moments qu’on partageait du temps où tu aimais qu’on t’appelle 1.5. Je n’arrive pas à te mettre derrière moi. Pas après tout ce qu’on a vécu, pas avec tout ce qu’on pourrait encore vivre. Je ne veux pas te perdre.

Peut-être que si tu arrivais à te poser un peu… qui sait ? Avec le temps, peut-être qu’on arrivera à se faire confiance à nouveau. S’il te plaît, fais cet effort et j’en ferai de mon côté aussi. J’aime croire qu’un jour je pourrai changer mon statut facebook, l’actuel me saoule. Il témoigne juste du fait qu’entre toi et moi, Angular, c’est compliqué.